Publié par Dominique Schmidt dans le Bulletin de l’USF de Décembre 2021
La Méditation, Accès au Sacré
« La vie de tous les jours s’écoule à la surface des phénomènes liés au temps et au conditionnement. Cette vie est sans profondeur, sans vrai amour, sans créativité : elle est réactionnelle, centrée sur nous-mêmes, sans signification. C’est la vie de l’ego barricadé ! La méditation prend conscience de cet état des choses et en même temps du fait qu’il existe en nous un potentiel infini distinct du jeu conflictuel des existences séparées. La découverte de notre vrai moi, un en toutes choses, révolutionne notre existence… »
Prendre conscience que la vie telle que nous la vivons à travers notre ego va à l’encontre du bonheur, que nous recherchons, est un grand pas dans notre devenir. La plupart d’entre nous sommes persuadés que si nous étions nés sous une meilleure étoile, dans une famille aisée par exemple, si nous étions mariés à l’homme ou à la femme idéal(e), si nous avions un métier avec une meilleure rémunération, nous serions heureux. Chacun de nous travaille vers cet idéal, mais quel que soit l’effort, quelle que soit la réussite, nous tournons en rond comme un chien chassant sa queue ! Les siècles d’histoires de guerres et de conflits à tous les niveaux n’ont apparemment pas apporté leur leçon. L’homme doit souffrir la déception pour apprendre que le bonheur n’est pas dans le fait de faire camp à part dans la forteresse de son ego. En fait, c’est seulement quand nous sommes pleinement conscients, c’est-à-dire non seulement avec la tête mais avec le cœur, de cet état des choses, que la méditation, pourrait-on dire, vient à nous. Elle advient, nous ne pouvons pas la provoquer ! Est-il possible de méditer tant que l’ego, qui n’est que la structure des désirs, est le moteur de nos pensées ? Une conscience conditionnée par les désirs de son ego ne peut, tant qu’elle est articulée par ceux-ci, comprendre ce qu’est la méditation authentique. Sommes-nous dans une impasse ? Y-a-t-il un chemin, une voie, pour nous libérer de ce tyran qui a envahi comme un conquérant la totalité de notre être, à tel point que, dans tout ce qu’il regarde, il ne voit que lui-même et ses désirs ? Cet autocrate peut-il être conquis par la pensée qui est en fait sa collaboratrice ?
C’est par l’exploration de notre nature égotique en toute liberté et sans le jugement, qui arrêterait la fluidité de l’intelligence, que le discernement s’éveille en nous en même temps que l ’état méditatif de conscience. Nous découvrons que l’ego – ses peurs, incertitudes, inquiétudes, manques – n’est pas notre véritable nature et du même coup nous comprenons pourquoi il n’y a aucune solution au niveau de cette conscience bâtarde (l’ego est fils de la nature en son principe d’inconscience, mais ne connaît pas son père céleste, le principe de pleine conscience). Nous ne courons plus à la recherche d’un psychiatre pour mettre de l’ordre dans notre ego ni après l’utopie du bonheur qu’il conçoit. Cette prise de conscience de la fausseté de la croyance en une existence séparée nous en libère d’une manière décisive. Nous sommes maintenant dans l’état de méditation qui ouvre une nouvelle porte à notre vrai potentiel qui était resté bloqué par l’étroitesse de notre ego.
UNE NOUVELLE NAISSANCE
La méditation dessille nos yeux qui voyaient tout dans la platitude des besoins, et, comme par magie, ce même monde que l’on côtoyait dans la résistance, le conflit de l’adversité permanente, parsemé de petits plaisirs éphémères, est transformé en un monde sacré. Derrière la banalité de la vie de l’ego se cachait la gloire du divin imperceptible à son regard ! La méditation est le passage initiatique à la vie divine qui résulte de la mort psychologique de notre moi séparé, isolé, qui au bout du compte n’était qu’une illusion (pourtant effective, car nous savons, du moins avec notre cerveau, que rien n’existe en soi et que tout coexiste dans l’interdépendance d’un même tout indivisible). La méditation engendre une nouvelle naissance, car, l’ego n’étant plus, il y a tout à revoir, tout à redéfinir, non plus sous le voile de la séparation, mais à la lumière de l’unité de nature divine, car l’unité des ego n’est qu’un mensonge qui révèle toujours leur préférence égotique pétrie de désirs et d’ambitions, qui apportent la division.
L’expérience essentielle, une fois le mur de séparation de l’ego abattu, est la découverte de l’Un immanent dans toutes les choses et tous les êtres. Un bain de lumière pénètre tous les pores de notre être libéré. Cette réalisation est radicale et oriente notre existence vers un nouvel essor où ce ne sont plus nos désirs personnels qui dirigent nos actes, mais la perception de l’Un qui inspire nos pas. Cet Un est l’essence de l’être infini dont chacun de nous est une émanation, une expression unique. Nous voyons, par ce transfert d’énergie de l’égoïsme à la vie ou conscience universelle, combien notre existence prend une tout autre forme, une nouvelle signification. Tous les problèmes personnels causés par l’importance exclusive disproportionnée donnée à nous-mêmes se résorbent dans l’immensité de l’Un qui devient le foyer de notre vraie individualité dont nous sommes mainte – nant un rayon lumineux.
Une fois que l’expérience de cette essence s’établit d’une manière permanente dans notre être, le Sacré que nous cherchions dans les temples, dans les églises, dans les ashrams, se révèle être en fait partout, même dans la poussière qui vole après un coup de balai ! Le Sacré, l’essence, l’être, qui sont la contexture ineffable du divin, deviennent la composante de nos âmes. En contraste, avant cette illumination, la composition de notre ego est l’isolement psychologique, le manque, l’angoisse, la séparation, le conflit, le désir et la peur. Maintenant que nous avons découvert l’âme au tréfonds de notre nature, elle remplace l’ego et exprime dans tous nos actes la vie sacrée, la joie pure d’être (sans plus dépendre d’un objet). Ancrés dans la source de l’essence intemporelle, nous nous sentons unis (yoga) à toute la création et participons activement au bien-être de toutes les existences. C’est le début de la vraie vie créative dans l’infinitude d’être…
La méditation comporte trois étapes essentielles. Chacune ouvre la porte à la suivante seulement si l’expérience est complète et devient de ce fait décisive pour permettre à la phase suivante de s’effectuer avec succès. La première est de voir avec ses propres yeux que toute recherche de bonheur dans l’ego nous amène à son opposé, c’est-à-dire à l’aliénation et à la souffrance psychologique. Le remède n’est pas dans le développement de soi personnel, mais consiste à abattre une fois pour toutes les murs de séparation que construit incessamment l’ego. Chacun de nous doit prendre conscience de ses propres idiosyncrasies qui nous limitent et nous enferment. Ce qui peut être une aide dans cette période de transition est d’apprendre à voir autrui, non plus à travers sa nationalité, son sexe, son âge, son métier, mais ce qu’il est vraiment en lui-même, en son être, dépouillé de tous ces voiles, toutes ces qualifications, qui sont en fait de pures fabrications mentales. Une fois le mur effondré, l’Un surgit sans effort et envahit notre conscience : c’est la lumière du réel où tous les êtres coexistent en tant que rayons lumineux. C’est la deuxième étape où l’unité divine remplace notre individualisme. Nous pensons en osmose avec le Tout et non plus pour nous-mêmes. La troisième étape de la méditation nous révèle la gloire du Sacré dont l’essence infinie ne cesse de nous émerveiller dans toutes les formes d’existence qu’elle façonne avec tant de délicatesse. Nos yeux, lavés de l’ego, découvrent un nouveau monde dans la perception du Sacré.
Publié par Dominique Schmidt dans le Bulletin de l’USF de Décembre 2021