Publié par Dominique Schmidt dans le Bulletin de l’USF de Décembre 2020
L’étincelle divine
Dans les moments difficiles – d’adversité, de solitude, d’isolement psychologique – nous devons nous dire que nous ne sommes pas l’ego, cette créature de surface, jouet des circonstances et de la nature, mais le divin qui se cache en nous.
La nature nous a créés petit, grand, homme, femme, laid, belle, et c’est à travers ces identifications que notre ego s’est développé. Enveloppé dans l’ignorance de notre vraie nature d’origine divine, notre moi s’est construit une pseudo-identité ; et c’est de derrière ce cloisonnement que nous regardons le monde qui nous regarde de la même manière, emmuré chacun dans son isolement.
Dans cette aliénation générale, le désir, le manque, le besoin, articulent les êtres qui projettent leur déficience sur les autres. Mais comme chacun d’entre nous est mû par la même illusion de séparation, personne ne peut combler son manque. Tant que nous vivons dans ce moi illusoire, les possessions, l’amour, la religion ne sont que des compensations qui ne pourront jamais nous satisfaire complètement.
Voir que tout mouvement vers quelque chose d’extérieur à nous-même ne peut apporter le bonheur est un grand pas dans la réalisation spirituelle. En fait, ce mouvement vers les choses est inné, le manque recherche instinctivement la complétude dans un objet, un être, une idée, la possession, une relation exclusive, une idéologie. Mais pourquoi la Nature a-t-elle voilé notre origine divine et créé un ego illusoire qui nous fait souffrir ?
Nous pénétrons dans les arcanes du mystère de L’Être et de la Nature. En quelques mots, l’ego résulte de la Nature coupée de l’Être. C’est dans l’ignorance de notre source transcendante, essence divine indivisible, que nous sommes soumis au jeu des formes de la Nature dont notre corps, qui apparaît comme séparé des autres corps, est une expression.
Cette séparation dont l’ego est la fleur n’est qu’une illusion causée par le fait que nos yeux perçoivent les objets extérieurs sans voir la lumière de l’Être qui est derrière eux et les unifie. C’est pourquoi le manque, qui est légitime tant que l’on est identifié à notre ego, notre personnalité conditionnée, ne pourra jamais être comblé par quoi que ce soit ou qui que ce soit. Il nous faut voir cette vérité comme positive plutôt que négative car elle nous libère de cette dépendance à ce qui ne pourra jamais nous apporter le bonheur.
La réponse n’est pourtant pas complètement satisfaisante car pour quelle raison la Nature nous cache-t-elle l’origine de notre être que nous prenons pour notre ego ? En effet, la Nature aurait pu nous tenir informés et ne pas nous laisser dans l’obscurité de notre provenance divine ! Mais si en fait la perfection nous avait été octroyée dès le début de la création, nous aurions été tels des robots, conformes à la perfection sans l’avoir atteinte par nos propres efforts. La Nature nous a donné l’ego, mais il revient à nous de nous en libérer, de découvrir nos origines divines et devenir maître de notre destin. Trouver la Vérité de notre existence, n’est-ce pas une merveilleuse aventure ?
Découvrir sa vraie nature
Si l’ego, produit de la Nature, est la source du faux et de la souffrance, existe-t-il en nous quelque chose d’incorruptible, d’éternel, source du vrai et du bonheur ?
À partir du faux, de l’ego, nous ne pourrons jamais accéder aux vérités divines, car elles existent dans un autre registre. En un certain sens l’ego n’est pas complètement faux, car c’est grâce à l’illusion de la séparation, à l’isolement psychologique, que notre conscience s’est centrée sur elle-même et a développé une individualité distincte. Il semblerait que l’intention principale de la Nature afin d’individualiser notre conscience fut d’éveiller en nous le sentiment d’être un moi distinct séparé. Ce centre une fois créé, il devient un canal par lequel l’être infini peut s’exprimer infiniment dans la joie de la diversité de la nature. Toutefois, cet ego, même s’il a servi les fins de la Nature en devenant un centre réceptif de la vie universelle, est bien trop égocentré et limité pour permettre à la lumière du réel de s’infiltrer. Si l’ego n’est pas notre être réel, quelle est notre vraie nature, où et comment pouvons-nous la découvrir ?
Ce que cache la Nature au tréfonds de notre être est l’étincelle divine qui gît en chacun de nous et, à mesure que nous nous désidentifions de notre ego, sa lueur devient visible, alors qu’elle reste imperceptible tant que nous sommes obnubilés par notre moi. Cette étincelle s’éveille en nous lorsque nous avons souffert de l’aliénation de notre ego au point que la soif de vérité devient impérieuse. Étant de même essence que l’Être pur, elle est naturellement attirée par la sagesse, par le vrai, le beau, le juste.
Une fois libéré le centre de l’ego, l’étincelle divine prend sa place et illumine notre chemin. L’ego était nécessaire pour centrer notre être sur lui-même afin que nous puissions devenir un individu. Mais, lorsqu’il est pleinement affirmé, il devient un obstacle pour la découverte de l’Un et pour la vie en union dans l’amour avec toutes les existences perçues dans la même substance d’être.
Dans les débuts de notre pérégrination spirituelle, l’étincelle n’est qu’essence d’âme pas encore personnalisée, mais, avec les nombreuses vies, cette essence développe une individualité distincte sans être séparative comme dans l’ego. C’est ce que Sri Aurobindo appelle l’Être psychique. Cette nouvelle individualité, dont le potentiel est infini car de même texture que l’Être divin transcendant, est inséparable de la vie universelle. L’individu spirituel puise sa source de bien-être dans l’universel et vit dans l’harmonie de la coexistence avec tout ce qui est. Dans son évolution, cette étincelle devient un feu divin dont l’amour pur émane comme d’une rose sa fragrance divine.
Il n’y a pas d’âge pour se laisser porter par cette flamme intérieure : jeune ou vieux, il suffit de s’ouvrir à la foi en cette étincelle divine. Alors, quelles que soient les difficultés dans lesquelles nous nous trouvons temporairement, toute période de la vie a son délice.
Publié par Dominique Schmidt dans le Bulletin de l’USF de Décembre 2020